L’île botanique
À quarante-cinq kilomètres au large de l’Angleterre, une île baignée par les courants chauds abrite une destination de rêve pour les jardiniers. Nulle part ailleurs en Grande-Bretagne, il n’est possible de visiter un tel espace.
À l’ouest des Cornouailles, les Îles Scilly forment un groupe d’environ 150 îlots dont cinq seulement sont habités. Avec une surface de trois kilomètres carrés, Tresco est la seconde île en superficie.
En 1834, un banquier, Augustus Smith, s’installa sur cette lande nue avec le désir de consacrer une part de sa fortune à favoriser les îles sur le plan social et économique. En aménageant sa grande demeure, il savait que le climat clément de l’île permettrait de développer sa passion pour la botanique.
Sur Tresco, grâce au Gulf Stream, la température est supérieure à 10 ° C durant 350 jours par an. Il ne gèle que rarement et légèrement. Les pluies sont réduites, l’humidité étant surtout apportée par la mer toute proche. Le sol est caillouteux. Toutes ces conditions allaient autoriser la culture d’un large choix de plantes gélives et même d’espèces subtropicales.
Dans les ruines
Tresco ne comportait aucun arbre. Où planter sans voir le vent détruire les plantes ? Les ruines d’une abbaye abritèrent les premiers végétaux importés par Augustus Smith. Au fil des générations, ses descendants se sont attachés à densifier les collections et, chaque année, l’équipe de cinq jardiniers effectue de nouvelles plantations dans ce qui est devenu un parc extraordinaire.
Aménagé en terrasses, il comporte vingt mille végétaux représentant quatre-vingts pays différents dont le Brésil, la Nouvelle-Zélande ou la Birmanie. Les végétations des continents se mélangent dans un étonnant méli-mélo exotique accentué par les semis spontanés qu’effectuent les plantes dans le sol drainant. Un parterre peut ainsi rassembler sur quelques mètres carrés des plantes d’Australie, des régions tropicales d’Amérique du Sud, des îles Canaries et des régions méditerranéennes.
Luxuriance
Dès le mois de juin, les allées des jardins de l’abbaye sont généreusement fleuries sous les hauts palmiers d’Arabie. Côté floraisons, la flore d’Afrique du Sud est pleine de ressources. Sur Tresco, les proteas fleurissent sans difficulté. Ces arbrisseaux à feuillage persistant forment les immenses inflorescences décoratives que les fleuristes utilisent pour leurs compositions florales.
Plus loin, les ficoïdes semées chez nous en tant qu’annuelles s’étendent de manière vivace en de larges tapis formant des taches éclatantes de couleurs. Quelle est la plante la plus étonnante ? Peut-être le Puya chilensis, venu des Andes. Ses hampes florales s’élèvent à plusieurs mètres de haut. Les corolles qui semblent en cire contiennent du nectar que les oiseaux viennent boire. De cette manière, ils pollinisent la plante. Comme on reconnaît les oiseaux qui apprécient le nectar à leur tête colorée en orange vif par le pollen de la plante, on repère aussi à la couleur de leur nez les jardiniers qui, de grand matin, se servent de petits gobelets de nectar exotique.
Espace unique parmi les jardins d’outre Manche, Tresco émerveille les jardiniers et les invite aussi à un peu plus de sagesse horticole. Toutes ces plantes gélives qu’il est si compliqué d’hiverner en pot, n’est-ce pas dans un climat qui leur convient qu’elles sont les plus belles ?
Y aller
Aujourd’hui, Tresco est toujours une île privée, propriété du descendant d’Augustus Smith, Robert Dorrien-Smith. Cent cinquante personnes y habitent au fil de l’année dans des conditions étonnantes : il n’y a pas de voitures. Les déplacements s’effectuent à vélo ou en voiturettes de golf. Un hôtel et des bungalows accueillent un maximum de quatre cents visiteurs.
Vu la durée du trajet en bateau, la seule solution pour visiter les jardins sans loger sur place est l’avion. Tresco est desservie plusieurs fois par jour par les petits bimoteurs de la compagnie Skybus.
Abbey Gardens, Isles of Scilly TR240QQ, tél. : 0044 1720 424108, www.tresco.co.uk. Ouvert toute l’année de 10 à 16 h.