Les taupes, encore et toujours
Les taupinières qui émaillent la pelouse figurent parmi les principaux soucis des jardiniers. La solution radicale : le piégeage par un professionnel.
Dans le gazon ras, un dôme de sol se soulève et de la terre finement émiettée ruisselle sur les flancs de ce mini volcan en formation. Quelques centimètres plus bas, une taupe redouble d'efforts pour constituer le réseau de galeries où elle chassera les vers de terre de passage. La taupe creuse une galerie d'une seule patte, plaquant son corps contre la paroi du boyau pour rejeter la terre derrière elle. Elle se retourne pour évacuer les déblais. Elle assène des coups de butoir qui ont vite fait de pousser la terre vers l'arrière de la galerie. Le convoi est dirigé dans une cheminée verticale creusée auparavant. Direction : la surface où la taupinière, ainsi alimentée de l'intérieur, ne tarde pas à s'élargir.
Trucs et astuces
Comment éviter les dégâts des taupes ? Les remèdes de bonne-femme sont légion mais ils ne sont pas efficaces. Les végétaux qui ont réellement une action répulsive (attention aux stands de charlatans lors de foires aux plantes) doivent occuper de manière dense de larges surfaces pour pouvoir développer leurs effets. Enfouir des poils de chien ou des coquilles de moule ne sert à rien. Contrairement à ce qui souvent dit, la taupe n'est pas hémophile et enterrer des tessons de bouteilles ou des branches de rosiers représente surtout un danger pour le jardinier. Les taupes s'habituent vite aux vibrations des moulins fabriqués avec des bouteilles en plastique. En fait, la seule vraie solution consiste à éliminer physiquement les taupes des zones où elles ne sont pas tolérées.
Pièges
Cédric Caillau, la trentaine, est taupier. « Cette activité est pratiquée par ma famille depuis 1850. Déjà tout petit, je suivais mon grand-père dans les prairies quand il plaçait ses pièges. » Les clients principaux de ce professionnel du piégeage qui figure, comme ses confrères, à la rubrique « Taupier » dans l'annuaire à pages jaunes, sont les agriculteurs. Cédric piège les taupes dans les champs qui viennent d'être semés. Les nouvelles galeries des taupes y provoquent des pertes de rendement.
Cédric travaille aussi dans les jardins, selon le principe d'un abonnement annuel. Dès qu'une taupe est signalée, il intervient. Il circule d'abord sur la pelouse, en tâtant le sol avec la pointe du pied. Une lourde pointe permet de sonder la terre pour repérer la galerie et son orientation. Ensuite, deux coups de bêche à la bonne profondeur pour délimiter un tronçon de galerie, un coup de bêche par devant et le sol est soulevé. Une fois la large motte de terre basculée vers l'arrière, la galerie est visible de part et d'autre du trou. Cédric place ses pièges dans le boyau, un de chaque côté car on ignore dans quelle partie de la galerie se trouve la taupe. Chaque pince est retenue par un fin piquet de couleur vive. Il empêchera la taupe d'emporter le piège dans la galerie et permettra de repérer les emplacements piégés. La motte est remise en place. Demain, quand Cédric sera de retour, la taupe aura été prise par une de deux pinces.
Les taupes viennent des prairies voisines où elles sont particulièrement bien présentes. « Il faut savoir que la taupe a deux périodes de reproduction par an, avec à chaque fois six à sept jeunes. Il y a donc une pression démographique qui pousse les jeunes taupes à s'écarter du territoire où elles sont nées » explique Cédric. Voilà pourquoi, une fois un jardin débarrassé de ses taupes, le taupier ne doit plus piéger qu'en périphérie les individus qui s'aventurent dans ce territoire libre.