La serre du nouveau siècle
Les jardiniers anglais se sont offert une jungle tropicale.
Le tunnel sous la Manche permet de découvrir en une seule journée un des jardins les plus intéressants en Angleterre. Au sud de Londres, les 97 hectares de Wisley, le jardin amiral de la Royal Horticultural Society (RHS), accueillent chaque jour des centaines de promeneurs.
Beaucoup prennent des notes ou des photos. Non seulement le parc présente une grande diversité de plantes mais les petits jardins offrent également quantité d’idées pour les plantations et aménagements.
Neuf millions d’euros
Un tel projet ne serait-il possible qu’en Angleterre ? La création d’une nouvelle serre à Wisley, destinée à remplacer les anciennes constructions devenues obsolètes, fut initiée en 2002. Un appel aux dons a été lancé. Les 370 000 membres de la RHS, l’association de jardinage la plus importante au monde, ont répondu massivement, offrant l’équivalent de 9 millions d’euros. Après cinq ans de préparation et de construction, la serre de trois milles mètres carrés est devenue le nouveau point fort du jardin. C’est le 27 juin de l’année dernière que la reine Elisabeth II a inauguré cette cathédrale de verre, pénétrant dans la luxuriance de la végétation exotique. « Nous effectuons une mise en scène paysagère, explique Nick Morgan, le jardinier en chef des serres. Nous ne sommes pas un jardin botanique avec une collection de plantes de A à Z. Nous choisissons des plantes qui sont jolies et nous les mettons en valeur. » Chaque jour, les jardiniers enlèvent les sujets qui ne sont plus à l’apogée de leur floraison et les remplacent par d’autres plantes venues des coulisses. La collection de végétaux est cultivée en grande partie dans des serres parallèles. Les plantes viennent alors dans la zone publique quand leurs boutons floraux s’ouvrent.
Tropiques et déserts
Le centre de la serre a été conçu comme un amphithéâtre, permettant un regard panoramique sur la grande cascade parmi les palmiers et bananiers. Les rochers, en fausse pierre moulée sur de véritables rocs dans la nature, sont en fait des capteurs de chaleur solaire. Changement radical d’atmosphère. Le parcours mène à la partie aride avec la végétation des déserts. Toutes les plantes présentées ici ont développé la capacité de vivre durant de longues périodes sans le moindre arrosage. Au delà de la zone désertique, il faut franchir des portes pour pénétrer dans la moiteur de la forêt tropicale humide. La température ne descend pas en dessous de 20 °C, même la nuit. L’humidité est d’au moins 70 %. Nombre d’espèces cultivées dans nos intérieurs en tant que plantes vertes présentent des vigueurs insoupçonnées. En combinaison les unes avec les autres, elle forment des atmosphères superbes mais artificielles puisque beaucoup de sujets sont des sélections horticoles avec notamment des panachures.
Ecologie
Quand la serre ferme ses portes, branle-le-bas de combat. Toute l’équipe est sur le pont. Mais parmi les outils, on ne verra un pulvérisateur qu’à titre exceptionnel. La serre est cultivée le plus naturellement possible malgré les cochenilles farineuses. « Les maladies et les ravageurs dans une serre sont toujours un problème, raconte Nick Morgan. Nous pratiquons la lutte biologique en introduisant des prédateurs qui se nourrissent des ravageurs. Et jusqu’à présent, cela fonctionne très bien. » Maintenir l’ambiance des tropiques, avec de la chaleur au cœur de l’hiver, implique aujourd’hui une gestion respectueuse de l’énergie. Le chauffage au gaz naturel est sollicité le moins possible. Les techniques les plus évoluées ont été mises en place pour utiliser et conserver l’apport du soleil. « Le verre utilisé est très efficace sur le plan thermique. Nous avons aussi des rideaux isolants pour garder la chaleur la nuit, avec une régulation électronique qui gère l’ensemble. »
800 000 visiteurs
La tradition est maintenue. Depuis les années 1800, la flore du monde entier est présentée dans des serres chauffées, un peu partout en Europe. L’Angleterre qui a joué un grand rôle dans l’exploration botanique au temps de son empire colonial garde une longueur d’avance avec une belle série de nouvelles serres, à Kew Gardens, au jardin botanique du pays de Galles, dans les Cornouailles avec l’Eden Project et à Wisley. Comment ces dépenses sont-elles justifiées ? A l’heure où la biodiversité des zones tropicales est en danger, présenter au public le plus large possible toutes ces richesses et leur implication dans l’alimentation ou la pharmacie reste plus que jamais d’actualité. En un an, la serre de Wisley a accueilli 800 000 visiteurs.
RHS Garden Wisley, Woking (au sud de Londres), ouvert toute l’année sauf le jour de Noël. Horaires de novembre à février : en semaine, de 10 à 16 h 30 ; le week-end, de 9 à 16 h 30 (dernière entrée à 15 h 30). Entrée : 8 £. Infos : tél. 0044 845 260 9000 ou www.rhs.org.uk.